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  CATALOGUE RAISONNÉ DE JEAN POUGNY РУ FR DE EN


Le catalogue raisonné, composé de deux volumes, est une principale source d'information sur la vie et l'œuvre de Jean Pougny. Le premier volume, publié en 1972, retrace l'œuvre de l’artiste d’avant 1923, l’année de son installation à Paris, et y comprend les peintures, les reliefs, les dessins et les gravures. Le second volume (1992) ne parle que des peintures postérieures à 1923.

Berninger, Herman & Cartier, Jean-Albert. Pougny. Jean Pougny (Iwan Puni) 1892—1956. Catalogue de l'oeuvre. Tome 1: Les Années d'avant-garde, Russie — Berlin, 1910—1923. Tübingen, Éditions Ernst Wasmuth, 1972.
Berninger, Herman. Pougny. Jean Pougny (Iwan Puni) 1892—1956. Catalogue de l'oeuvre. Tome 2: Paris-Côte d'Azur, 1924—1956, Peintures. Tübingen, Éditions Ernst Wasmuth, 1992.

Xénia Bogouslavskaïa accomplit un travail titanesque pour préparer ce catalogue. Les textes furent rédigés par Albert Cartier d’après les sources fournies par la veuve de l’artiste, et Herman Berninger organisa la publication à la maison d'édition Ernst Wasmuth, dirigée jusqu'en 1974 par Günther Wasmuth, un vieil ami et admirateur de Pougny.

Xana entama le travail de préparation du catalogue en 1961. Il fallait décrire chaque œuvre, donner ses dimensions, faire une photographie et déterminer l'année de sa création d’après des souvenirs ou des preuves indirectes. Pour Xana, qui n’avait pas l'habitude de respecter l’ordre des choses dans les petits détails, ce travail minutieux fut très fatigant. Voici un extrait de sa lettre au peintre Nathan Altman, datant du 30 janvier 1962 :
« C'est très difficile quand les choses sont si dispersées à travers le monde, alors je cherche et photographie tout sans relâche, j'ai environ 1 500 photographies pour le livre « Tout œuvre de Pougny » ; je dois aussi examiner avec attention chaque « carte d’identité » de l’œuvre pour déterminer son année exacte. C'est un travail de fou, je cherche des adresses où nous avons vécu, quels objets nous avons achetés pour les natures mortes, quand, etc, les factures, les comptes, etc. »
Le premier volume du catalogue parut en 1972, du vivant de Xana. Le second sortit 20 ans plus tard. La publication du catalogue raisonné était une étape très importante dans l’étude de l’œuvre de l'artiste, et de ce point de vue, l'énorme travail, effectué par les auteurs, suscite une grande admiration. Néanmoins, du point de vue de la rigueur scientifique, l’ouvrage nécessiterait un examen critique. Penchons-nous successivement sur le premier et le deuxième volume, car ils contiennent des éléments tout à fait différents et interprétés différemment.

Le deuxième volume, qui couvre la peinture après 1923, est globalement correct. Il répertorie 998 œuvres de Pougny, crées pendant 33 ans en France, de la fin du 1923 au décembre 1956. Il s'agit essentiellement des peintures à l'huile ou à la technique mixte, sur toile ou carton, allant des plus petites études conservées. Il n’est pas étonnant qu’avec une telle quantité d'œuvres, certaines aient échappé à l'attention de Xana, surtout si elles ont été vendues il y a longtemps. Nous avons procédé à une vérification aléatoire, afin d'estimer approximativement la proportion des peintures non-incluses dans le catalogue raisonné. Nous avons pris comme exemple le catalogue de l'exposition personnelle de Pougny à la Galerie de France du 7 au 30 novembre 1950. Il s'agissait de vérifier si toutes les œuvres figurant dans le catalogue de l'exposition étaient reprises dans le catalogue raisonné. En conséquence, dans le catalogue raisonné nous avons trouvé 39 œuvres sur 46 de l'exposition à la Galerie de France, dont 32 avec le numéro de catalogue de l'exposition et 7 « hors catalogue ». Sept autres œuvres de l'exposition (soit environ 15 %) ne sont pas mentionnées. Les 15 % d'œuvres qui ont échappé à l'attention de Xana concernent l’exemple de l'exposition de 1950 ; on peut supposer que pour les expositions antérieures, le pourcentage des œuvres « oubliées » est un peu plus élevé.

Signalons une incohérence concernant la toute dernière œuvre de Pougny. Dans le catalogue raisonné, le n° 1207 « Courses » (Musée national d'art moderne, Paris) est désignée comme la dernière œuvre de Pougny. Dans la monographie de Gindertael sur Pougny, sortie deux mois après la mort de l’artiste (R. V. Gindertael Pougny. Genève, Cailler, 1957), la dernière illustration du livre relate « Plage (23 x 18,5). La dernière œuvre de Pougny. Décembre 1956 ». En 1970 ce petit tableau fut offert par Xana, par l'intermédiaire de Nadia Léger, au Musée des beaux-arts de Pouchkine (Moscou) et y est conservé sous le numéro d'inventaire Ж-4090 (Plage, 1956, huile sur toile collée sur isorel, 19,4 x 24 cm).

Le premier volume du catalogue, qui couvre les années les plus actives (1910-1923), comporte de nombreuses inexactitudes. En outre le caractère incomplet du catalogue, dû à la perte de nombreuses œuvres de la période de Petrograd, n’est pas son plus grand problème. Ce sont des manipulations délibérées avec les dates et des expositions qui soulèvent bien plus de questions. Par exemple, pour les objets perdus dont des reconstitutions furent faites, il n'y a pas d'information sur quand et par qui ils furent faits, et l'information est donnée à la fois pour l'original et pour la réplique, ce qui crée la confusion. Les omissions et les réserves ne sont pas moins opaques que les falsifications. Par exemple, nous n’avons aucune information sur la manière dont les peintures et reliefs datés d'avant 1920 se retrouvèrent en Occident. Cela suscite des questions sur leur provenance et soulève des doutes quant à leur authenticité. Des techniques douteuses, parfois payantes sur le marché de l'art, sont difficilement admissibles dans une publication scientifique, ce qu'est censé être le catalogue raisonné. Quoi qu'il en soit, Xana posa des énigmes, nous proposant un processus de résolution passionnant. Dans certains cas, les indices se trouvent à la surface, dans d'autres, tout est bien arrangé et aucune clé n'est visible.
Examinons de plus près chaque chapitre du premier volume : Peinture (n° 1 à 98), Reliefs (n° 99 à 114), Dessins abstraits (n° 115 à 150), Dessins figuratifs (n° 151 à 266), Costumes de théâtre (n° 267 à 281), Estampes (n° 282 à 298).

Peinture (n° 1 à 98)
Sur les 98 numéros, les 36 sont perdus. Les titres de nombreuses œuvres perdues sont simplement reproduits à partir des catalogues des expositions « Tramway V » (1915), « 0,10 » (1915) et « Valet de carreau » (1916). Pour 10 de ces œuvres perdues, des photographies ou des photographies d'esquisses sont fournies. Les bannières qui étaient accrochées en 1918 à Petrograd à l'occasion des fêtes révolutionnaires (n° 52, 53, 54) sont illustrées par des photographies de croquis, recréés en 1921 pour une exposition à la galerie «Der Sturm» à Berlin. Les esquisses originaux de ces bannières et des autres sont conservés au Musée russe, mais Xana n'eut pas le temps de faire leur inventaire, lorsqu'elle s'y rendit en 1959.
En tout, les 63 numéros sont illustrés avec des photographies, dont deux numéros (n° 5 et 51) se rapportent à une seule œuvre (recto-verso).
En ce qui concerne les peintures de la période de Petrograd, conservés à nos jours, nous pouvons être sûrs de leur provenance incontestée seulement pour les œuvres documentées au Musée russe et dans les collections privées dans les années 1920. Dans le catalogue raisonné il s'agit de 10 peintures du Musée russe, ce sont les n° 17, 18, 50, 56, 57, 58, 59, 61, 63, 65, la « Nature morte à l'échiquier » n° 45 (qui se trouve au Musée d'État de Novgorod et non au Musée russe, comme noté par erreur dans le catalogue raisonné) et la Nature morte n° 49 de la collection Costakis (aujourd'hui dans la collection Manacherov). L'authenticité de deux natures mortes de 1917, non mentionnées dans le catalogue raisonné, ne fait aucun doute : l'une est de la Galerie Tretiakov (inv. Ж-1321, don de Costakis), l'autre de la collection Rybakov, les deux œuvres sont mentionnées dans le catalogue de l'exposition de 1993 (p. 128 et p. 129).
Une œuvre (n° 7, « Autoportrait »), selon la description fournie, fut apportée à Paris par l’artiste au printemps 1914 pour participer au 30e Salon des Indépendants. Une autre œuvre (n° 3, « Portrait du père ») se trouvait dans la collection de la demi-sœur d'Ivan, Julia (épouse Efron) qui quitta Kuokkala en 1924. Quant aux autres peintures de la période de Petrograd, le catalogue raisonné nous laisse sans réponse à la question suivante : comment ces œuvres sont-elles arrivées en France ? Toutes les informations importantes sur la provenance des œuvres devrait se trouver dans un catalogue raisonné ; en leur absence, des doutes surgissent naturellement quant à l'authenticité des tableaux. Donc comment ont-elles pu arriver en France ?
La sœur aînée d'Ivan, Maria (épouse Astrov), émigrée en France en 1925, nota dans ses journaux intimes qu'elle offrit à Xana trois tableaux de son frère. La note fut faite en 1962 et nous ignorons de quelles œuvres il s’agissait, anciennes ou récentes. Toutes les autres œuvres en provenance de Russie durent être apportées soit par Xana elle-même, soit par quelqu'un à sa demande. Xana se rendit à Leningrad et à Moscou en juillet-août 1959, puis en mai 1961 et peut-être en 1962. Bien plus tard Berninger déclara que selon les propos de Xana, elle fit passer un certain nombre de tableaux de Pougny de Leningrad à Paris avec l'aide d'un diplomate français et de sa valise diplomatique. Il nous est impossible de vérifier cette version.
Une autre hypothèse d’apparition des premières œuvres de Pougny à Paris est la fabrication des répliques, des reconstructions, faites par Xana ou sous sa supervision. Les trois gouaches n° 60, 62 et 64 qui reproduisent trois peintures du Musée russe, en sont un parfait exemple, voir Иван Пуни, проблема трех гуашей. Outre ces gouaches, certains détails montrent que Xana « travailla » également sur d’autres peintures. Par exemple, le tableau n° 59, conservé au Musée russe, est illustré dans le catalogue raisonné par une photographie, non du tableau original, mais d’une copie approximative qui n'apparait nulle part ailleurs. Autre exemple : les photos des tableaux n° 38 (« Bains ») et n° 46 (« Assiette aux œufs ») du catalogue raisonné ne correspondent pas en détails à leurs photographies dans la monographie de Gindertael (1957) publiée deux mois après la mort du peintre ; il est évident qu'il s'agit de choses différentes.
La période berlinoise (1921-1923), très importante pour Pougny (évolution de sa manière de peindre et de ses positions esthétiques), ne fut pas si fructueuse en production artistique à cause de l'instabilité générale de la vie d’émigrant. De cette époque, il ne reste que des photos de magazines de deux natures mortes (n° 90-91), exécutées dans une manière entre naturalisme constructiviste et purisme. Il y eut une confusion concernant les peintures présentées à la première exposition russe chez Van Diemen (1922) : à la place de la nature morte n° 94 (Musée d'art régional de Krasnodar de F. A. Kovalenko), qui fut apportée en URSS après l'exposition (non mentionnée dans le catalogue raisonné), c'est l'étude à la gouache n° 89 (à la composition assez proche) qui y fut décrite comme présentée à l'exposition. Les gouaches n° 71 et 79-88, exécutées à la manière de Marcoussis, ont trois paires de variantes (n° 80-81, 82-83 et 85-86). Bien que Pougny fit souvent des variantes, affinant ainsi la composition, cela soulève certains doutes, vu la tendance qu’eut Xana à faire des répliques.
Heureusement, le premier volume du catalogue raisonné fut publié 20 ans avant que le marché de l'art (et Berninger, l'éditeur du catalogue) ne soit inondé par une vague d'imitations grossières des premiers œuvres de Pougny. Pour plus d'informations à ce sujet, voir la rubrique PROBLEME DE FAUX.

Reliefs (Nos. 99-114)
Les sculptures suprématistes suscitent le plus grand intérêt dans l'œuvre de jeunesse de Pougny ; c'est dans cet art synthétique que l’artiste pouvait à juste titre revendiquer la suprématie. Il est certainement impossible qu’en fuyant Petrograd par le golfe de Finlande gelé, le couple Pougny emporta avec soi ces assemblages encombrants. La préface du chapitre « Sculptures-Reliefs et Objets 1913-1919 » du catalogue raisonné précise : « De 1914 à 1917, il avait fait une trentaine de reliefs picturaux dont nous ne connaissons aujourd'hui qu'une partie. En effet, les désastreux hivers de 1918 et 1919 avaient contraints l'artiste à sacrifier ses reliefs au chauffage de son atelier. C'est donc grâce à des maquettes et des dessins mémoratifs que Pougny a pu reconstruire après son depart clandestin de Russie, en 1920, la majorité des œuvres énoncées ci-après. » La dernière phrase est fort ambigüe : la reconstruction est bien l'œuvre de Pougny, non pas d'Ivan, mais de sa femme Xana ; et cela n’a pas été fait dans les années 20, mais bien après la mort de l'artiste.
Le catalogue décrit 16 reliefs, dont deux seulement déclarés perdus (« Joueurs de cartes » n° 99 et « Tableau vert » n° 101, mentionnés dans des articles de presse lors de l'exposition « 0.10 »). Les descriptions des autres reliefs laissent place à l'interprétation, aux falsifications et aux omissions. Examinons, par exemple, la description du n° 100 « Nature morte au marteau ». Il s'agit du seul relief, reconstruit par Pougny lui-même à Berlin en 1921 : l’œuvre est visible sur les photographies (preuve irréfutable) de son atelier berlinois. La comparaison de la photographie du relief de la collection Berninger, illustrant le n° 100 du catalogue raisonné, avec des photographies berlinoises de 1922 montre que le marteau et les feuilles de carton ont des configurations différentes. Néanmoins, la description date l'œuvre de 1914 et l'historique des expositions commence avec le « Tramway V » (1915), comme s'il s'agissait de l'œuvre originale et non d'une réplique postérieure.
Dans les descriptions des autres reliefs du catalogue raisonné l'ambiguïté est toujours présente. Le n° 102, sculpture suprématiste, en est un parfait exemple. Date de création : 1915. Collection : « Collection particulière d'Herman Berninger (montage d'après maquette et dessin) ». Provenance : « de l'artiste ». Expositions : « 0.10 » (1915), puis désigné comme « montage » à la galerie Sturm (1921) puis l’historique à partir de 1960.
En d'autres termes, la description ne se réfère pas à l'objet spécifique de la collection, mais à l'œuvre de Pougny, crée en 1915 et reconstituée ensuite sous forme de « montage ». L'auteur et la date de ce « montage », c'est-à-dire de la réplique, ne sont pas mentionnés. Notons que la plus probable année de sa production est 1959-1960 et le plus probable auteur de la réplique est Xana et ses assistants, ou en gros, « l'atelier de Pougny ». Nous savons également que lors de l'exposition à « Sturm », cette œuvre était présentée sous forme d’une « esquisse » et non comme un « montage ».
La description des autres reliefs, mentionnés dans le catalogue raisonné est faite à peu près selon ce même scénario.

Dessins abstraits (n° 115-150)
Le corpus de dessins abstraits de Pougny se compose des projets d'illustrations pour la troisième partie du « Théâtre pour soi » de Nicolas Evreïnoff (1915-1916) et d’esquisses de sculptures suprématistes.
Les esquisses d'illustrations pour le « Théâtre pour soi » proviennent de la collection Costakis ; douze d'entre eux se trouvent aujourd'hui à la Galerie Tretiakov. Le catalogue raisonné en mentionne huit : les numéros 131-132 et 146-150.
Les esquisses de sculptures suprématistes (reliefs), décrites dans le catalogue raisonné, furent présentées lors de l'exposition personnelle de Pougny à la galerie Der Sturm en février 1921. Certains d'entre eux étaient, en effet, des études préparatoires, réalisées à l'époque (1915-1916) à Petrograd ; mais la plupart de ces dessins furent exécutés juste avant l'exposition et ils représentaient des dessins de mémoire d'œuvres perdues dans le chaos de la révolution ou tout simplement des nouvelles compositions. La préface du chapitre « Dessins abstraits 1915-1919 » du catalogue raisonné l'indique explicitement : « À l'occasion de son exposition à la Galerie «Der Sturm» à Berlin, en février 1921, Pougny avait refait certains dessins abstraits à l'encre de Chine ou en collages, vu le mauvais état de conservation des exemplaires de Petrograd » ; « Au catalogue qui suit, Madame Pougny a redaté les œuvres qui n'étaient pas toujours exécutées avant les sculptures correspondantes, mais qui devaient souvent servir de mémoire à l'artiste qui n'avait pu emmener avec lui les sculptures mêmes » ; de nombreux dessins « soit détruite par l'humidité, à la suite d'un mauvais rangement à Paris, en 1928. » En effet, sur les 52 dessins abstraits du catalogue de la galerie « Der Sturm », seuls 29 furent ensuite inclus par Xana dans le catalogue raisonné. De plus, la plupart des dessins abstraits du catalogue devraient dater de 1921 et seulement une petite partie de 1915-1916. Pour plus d'informations, voir : А. Родионов. Иван Пуни в галерее «Штурм» (1921). Состав выставки. // Искусствознание, №4, 2023, с. 244-257.

Dessins figuratifs (n° 151-266)
Les dessins figuratifs constituent la partie la plus « fiable» du premier volume du catalogue raisonné. En fuyant la Russie, les époux Pougny purent glisser les dessins dans leurs maigres bagages. Au total, 115 dessins figuratifs sont décrits dans le catalogue raisonné. Lors de l'exposition à la galerie « Der Sturm », environ 160 dessins de ce type furent présentés. Soixante-huit dessins faisant la référence à l'exposition furent inclus par Xana dans le catalogue raisonné ; un certain nombre de dessins de l'exposition de 1921 sont décrits dans le catalogue raisonné sans la mentionner. Ainsi, environ la moitié des dessins exposés à « Sturm » furent perdus en raison d'une mauvaise conservation et dans les déménagements des années 20- 30. Une perte fort regrettable, car ils illustraient particulièrement bien le talent de Pougny.

1914-1919. Exemples de dessins de Jean Pougny provenant du Musée russe, non inclus dans le catalogue raisonné

Il n'est pas surprenant que le catalogue raisonné ne couvre pas les dessins de Pougny se trouvant au Musée russe de Saint-Pétersbourg. En 1959, lors de son voyage à Leningrad, Xana put voir les peintures de son mari au Musée russe et probablement, n'eut pas le temps de s'intéresser aux dessins. Par la suite, elle ne réussit jamais à y retourner. Le Musée russe possède un total de 34 œuvres sur papier de Pougny, sans compter le carnet de croquis. 12 de ces 34 feuilles sont des croquis de bannières décoratives pour les fêtes de la révolution (1918).
Quant aux dessins figuratifs de la collection Costakis (12 pièces), ils furent inclus dans le catalogue, car le collectionneur moscovite qui établit le contact avec Xana dès la fin des années 1950. La plupart de ces dessins sont aujourd'hui conservés à la Galerie Tretiakov (Moscou). Parmi elles figure l'illustration originale (n° 206) du conte « Jérémie le paresseux », publié dans le recueil « Arbre de Noël » (1918) et dont la paternité est attribuée à Xana (selon Tchoukovski, Pougny l'avait fait par modestie). Les autres illustrations des contes de Pougny ne figurent pas dans le catalogue, probablement parce qu'elles ont été perdues.
Les numéros 215-218 du catalogue, quatre dessins de Pougny pour le portfolio « Héros et victimes de la révolution » (1918) sont décrits comme des dessins à l'encre mais illustrés par des feuilles publiées imprimées sur zinc. Il semble que les originaux de ces dessins n'aient pas non plus survécu.
Les numéros 259-261 et 264-265 du catalogue sont des caricatures, dont celles de Walden et Archipenko.

Costumes de théâtre (n° 267-281)
La préface de cette section indique que toutes les études théâtrales réalisées par Pougny en Russie furent perdues. Ce n'est pas tout à fait vrai : le musée du théâtre et de l'art musical (Saint-Pétersbourg) a conservé deux études de Pougny provenant de la collection de Zheverzheev (Institut d’arts décoratifs). Nous avons réussi à les attribuer aux décors de la pièce pour enfants « Tsar Puzan » (Царь Пузан) de Tchoukovski, jouée pendant l'été 1917 dans la salle Tenichev. Le catalogue raisonné pourrait donc être complété.

Ivan Pougny. 1917. Études de décors pour la pièce pour enfants «Tsar Puzan » de Tchoukovski, jouée durant l'été 1917 dans la salle Tenichev. Musée du théâtre et de l'art musical (Saint-Pétersbourg). Inv. n° 5199-251 et 5199-252.

Dans la préface de ce chapitre, les auteurs (comme de coutume) évoquent les ancêtres du peintre : le grand-père, compositeur de ballets, et le père, violoncelliste du théâtre Mariinsky, qui permirent à Pougny de se familiariser très tôt avec le théâtre. Cependant, Pougny n’était pas particulièrement attiré par l’art de décors de théâtre et le considérait plutôt comme un travail alimentaire. À cet égard, les propos qu'il tint dans sa lettre à Pounine (mars 1924) en fut une bonne illustration : « Xana et moi avons un petit contrat théâtral jusqu'à l'automne, nous devons faire 20 dessins merdiques pour 1500 francs. Au début, nous avons essayé de faire de bons dessins, mais cela ne convient à personne, on nous envoie balader, alors nous avons commencé à faire des dessins merdiques - tant qu'ils les prennent » et à Chklovski (25 avril 1925) : « J'ai complètement arrêté le travail à la toise, pour ne plus abimer ma main (et ce repos a eu déjà un grand effet). Nous vivons, en partie, de la vente des tableaux, qui, comme tu le comprends, ne peut pas encore rapporter beaucoup, mais surtout du travail de Xana, qui (c'est Xana) travaille très dur. »
Les numéros 267-271 décrivent des esquisses de l'exposition de 1921 à la galerie « Der Sturm ». Les numéros 272-277 sont des dessins réalisés en collaboration avec Xana (les numéros 276-277 sont signés par elle et montrent clairement son style artistique du début des années 20). Les numéros 278-281 sont probablement des dessins, mentionnés par Pougny dans le passage ci-dessus de sa lettre à Pounine.

Estampes (lithographies et linogravures, n° 282-298)
1) Les dessins du recueil « Le Parnasse rugissant » sont décrits comme des lithographies, alors qu'en réalité ils furent reproduits par la méthode de la zincographie. Le recueil contenait quatre zincographies des dessins de Pougny, voir la partie LITHOGRAPHIES.
2) Pour l'article paru dans la revue MA Aktivista Folyóirat, n° 3, 1922, cinq linogravures furent imprimées : n° 286-290 (voir la partie LINOGRAVURES) Nos. 286-290. Dans le catalogue, les deux premières sont appelées « lithographies ». Il est évident que Xana s’exprima mal dans ses documents préparatoires et que l'éditeur reporta ce lapsus dans la rédaction finale et de plus, dans la préface de ce chapitre, il précisa même : « En 1922, l'artiste a réalisé une série de lithographies et de linogravures abstraites pour le magazine d'avant-garde hongrois « Ma Aktivista Folyóirat » ».

Autres œuvres
Le projet de sceau pour le Sovnarkom (1919) est mentionné dans le chapitre des dessins figuratifs (n° 249), mais les œuvres de Pougny pour la manufacture de porcelaine (projets et produits réalisés d'après eux) n'y figurent pas.

Conclusions
1. Le deuxième volume du catalogue représente assez fidèlement l'œuvre de Pougny pour la période 1924-1956. Néanmoins, il pourrait être complété par un certain nombre d'œuvres qui, pour diverses raisons, ont échappé à l'attention des auteurs. Nous estimons qu'elles sont au nombre de 150 à 200.
2. Le premier volume du catalogue, pour répondre aux exigences d'un catalogue-raisonné scientifique, nécessite une importante révision. Il a été fait d’avantage selon une approche de vulgarisation scientifique plutôt que strictement scientifiquement. Le résultat ressemble à un mélange entre un catalogue-raisonné et un album sur l'œuvre de l'artiste. Entre l'exactitude, le désir de montrer les œuvres de l'artiste dans leur intégralité et le mercantilisme, Xana et Berninger ont choisi le second et tenté d'atteindre le troisième. Ainsi, l'exactitude n'est présente que lorsqu'elle n'interfère pas avec des objectifs plus prioritaires.

Dans le cadre de notre projet de recherche nous avons numérisé le catalogue raisonné et travaillons à le corriger et à le compléter.